Méditer sept jours avec l’évangile du dimanche:
vingt-septième dimanche du temps ordinaire.
Année B
(Mc 10,2-16)
Méditation du dimanche: Présentation du texte de l’évangile
En ce vingt-septième dimanche du temps ordinaire, nous poursuivons la lecture de l’évangile selon saint Marc. Le texte de cette semaine suit de peu celui lu la semaine dernière. A été toutefois supprimé le premier verset du chapitre 10 qui fournit en quelque sorte le contexte: «Partant de là Jésus arrive dans le territoire de la Judée au-delà du Jourdain. De nouveau les foules s’assemblent près de lui et de nouveau, comme d’habitude, ils les enseignent» Ce verset nous paraît intéressant dans la mesure où il situe notre texte à la fois géographiquement (en Judée et non plus en Galilée) sur la route menant à Jérusalem et par rapport au public qui n’est plus le groupe restreint des disciples mais la foule. Ce verset a peut-être été omis en raison de Mc 10,10 «de retour à la maison» qui paraît supposer un retour en arrière. En fait la mention du retour à la maison est là pour montrer qu’il s’agit d’un enseignement réservé aux disciples.
Le texte proposé présente en outre deux parties très différentes:
Ces deux parties paraissent regroupées de manière un peu artificielle. Implicitement les auteurs du lectionnaire liturgique ont voulu constituer une sorte d’enseignement de Jésus sur la famille (le mariage puis les enfants) mais il n’est pas sûr que tel était le propos de saint Marc. On effet on peut aussi rapprocher et d’une manière qui me paraît personnellement plus naturel le passage de l’accueil des enfants du récit qui suit, l’appel du jeune homme riche. En effet, dans le passage concernant les enfants, Jésus déclare:«Celui qui n’accueille pas le royaume à la manière d’un enfant n’y entrera pas.» Or la question de l’homme riche porte sur la vie éternelle qui, est dans l’évangile selon saint Marc, une réalité très proche pour ne pas dire équivalente au royaume de Dieu. On peut d’ailleurs remarquer que dans les trois évangiles synoptiques, la description de l’attitude de Jésus vis-à-vis des enfants précède immédiatement le récit de l’appel de l’homme riche alors qu’elle ne suit l’enseignement de Jésus sur la répudiation que chez saint Marc et saint Matthieu. Saint Luc qui rapporte seulement l’interdiction de la répudiation sans évoquer la polémique avec les pharisiens ne paraît pas établir de rapport entre l’interdiction de la répudiation et l’attitude de Jésus envers les enfants.
Étudions toutefois le texte tel qu’il nous est proposé.
Méditation du lundi:
Le débat public sur le divorce I : le point de vue des pharisiens
On peut décomposer la première partie de notre texte assez facilement en deux sous-parties qui se déroulent en deux lieux différents
On peut relever que lors du débat avec les pharisiens Jésus se contente de fixer un principe général et que les modalités d’application de ce principe ne sont précisées que pour les disciples.
Le débat débute par un échange de questions. Les pharisiens posent une question à Jésus qui répond par une autre question. Les Pharisiens apportent leur réponse fondée sur une référence au Deutéronome puis Jésus apporte sa propre réponse plus développée fondée sur des citations de la Genèse.
Saint Marc précise d’emblée que les Pharisiens interrogent Jésus pour «le mettre à l’épreuve». Cette expression traduit le verbe grec peirazô. Dans l’évangile selon saint Marc ce verbe apparaît à quatre reprises et chaque fois c’est Jésus qui est «mis à l’épreuve». En Mc 1,13, Jésus est «mis à l’épreuve» au désert par Satan. Dans les autres occurrences ce sont les pharisiens qui «mettent à l’épreuve» Jésus. En Mc 8,11, «Les pharisiens survinrent et se mirent à discuter avec Jésus pour le mettre à l’épreuve, ils cherchent à obtenir de lui un signe venant du ciel.» En Mc 12,13, Jésus s’adressant aux Pharisiens et aux partisans d’Hérode qui lui demandent s’il faut payer l’impôt à César: «Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve?»
La question porte sur ce qui est permis – en grec exestin – un thème que l’on retrouve fréquemment dans la polémique opposant Jésus aux pharisiens. En Mc 2,24.26, les pharisiens reprochent à Jésus que ces disciples font ce qui n’est pas permis le jour du sabbat. En Mc 3,4, Dans la synagogue Jésus interroge les pharisiens: «Est-il permis le jour du sabbat de faire le bien ou de faire le mal? de sauver une vie ou de tuer?» En Mc 12,14, les pharisiens interrogent Jésus: «Est-il permis ou non de payer l’impôt à César l’empereur?» Or ce verbe n’apparaît pas au vocabulaire de la loi de Moïse.
Jésus répond lui-même par une question qui reformule les données du problème:: «Que vous a prescrit Moïse?» Il ne s’agit pas de dire ce qui est permis mais ce qui est prescrit. Le verbe employé par Jésus, entellomai de même racine que le nom entolè, commandement est au contraire un verbe très courant dans la Pentateuque et tout particulièrement dans le livre du Deutéronome. Jésus en quelque sorte remet en perspective la loi de Moïse: il ne s’agit pas d’une loi qui permet, qui autorise, mais d’une loi qui prescrit.
Les pharisiens demeurent dans le registre de ce qui est permis en employant là encore un verbe epitrepô qui n’appartient pas au vocabulaire de la loi de Moïse. Ils font ici, une référence à un passage du livre du Deutéronome 24,1-3.:
Lorsqu’un homme prend une femme et l’épouse, et qu’elle cesse de trouver grâce à ses yeux, parce qu’il découvre en elle une tare, il lui écrira une lettre de répudiation et la lui remettra en la renvoyant de sa maison. Si cette femme après avoir quitté la maison, épouse un autre homme, si ce deuxième homme se met lui aussi à la détester, lui écrit une lettre de répudiation et la renvoie de sa maison – ou encore si ce deuxième homme vient à mourir – son premier mari ne peut la reprendre pour femme, du fait qu’elle aura été rendue impure. Car elle serait une abomination devant le Seigneur. Tu n’entraîneras pas dans le péché le pays que le Seigneur Dieu te donne en héritage.
Le propos du législateur ici ne semble pas tant de «permettre» ou «d’autoriser» la répudiation que de donner un cadre légal à une pratique coutumière en lui imposant des limites: la loi prescrit à la fois de donner à la femme une lettre de répudiation et interdit à l’homme de reprendre une femme précédemment répudiée. On peut voir ces deux mesures comme visant à limiter le pouvoir arbitraire de l’homme sur la femme. Mais elles sont lues par les pharisiens comme une autorisation de répudier sa femme.
Méditation du mardi:
Le débat public sur le divorce II: le point de vue de Jésus
Jésus reste sur la même ligne d’une prescription faite par Moïse: «Moïse a formulé cette règle» (littéralement «a écrit ce commandement, en grec entolè de même racine le verbe entellomai du propos précédent de Jésus) en disant cela que Jésus insiste sur l’obligation d’écrire une lettre de répudiation et de la donner à la femme ainsi que sur l’interdiction de reprendre une femme répudiée; Jésus redonne à la loi son véritable sens qui est moins d’autoriser la répudiation que de la réglementer (et de la limiter) Il note que ce commandement a été écrit en raison de la «dureté de cœur» (sklèrokardia) de ses contradicteurs; dans le Nouveau testament ce terme ne se rencontre que dans notre texte et dans le passage parallèle de saint Matthieu. En revanche le nom sklèrokardia et l’adjectif de même racine sklèrokardios se rencontrent à plusieurs reprises dans la Septante, la traduction grecque de la Bible hébraïque. Ce terme apparaît notamment en Si 16,9-10, un passage où l’auteur évoque la révolte des Hébreux contre Moïse lorsqu’ils refusent d’entrer dans la terre promise (Cf. Nb 14,22-24):
Voilà comment il a traité des peuples au cœur endurci; même de ses nombreux fidèles il n’a pas eu pitié. C’est ainsi qu’il fit avec les six cent mille Israélites qui s’étaient ligués contre lui par dureté de cœur.
La dureté du cœur renvoie donc à l’incapacité des hommes à écouter le Seigneur, à leur propension à se révolter contre ses commandements qui ont amené en quelque sorte le législateur à tolérer des pratiques purement humaines en les encadrant.
Jésus renvoie «au début de la création». Il emploie dans ce débat avec les pharisiens une méthode comparable à celle qu’il fera usage face aux sadducéens en Mc 12,26. Face à une citation de la loi de Moïse il renvoie à un autre passage de la Torah qui occupe une place plus importante. Ici il renvoie à la fondation du monde «au commencement de la création». En Mc 12,26, il renverra à la révélation du Seigneur à Moïse dans le buisson ardent. Pour Jésus il semble donc qu’il y a des passages de la Torah qui sont plus important que d’autres, des passages principaux où Dieu fixent les grands principes et des lois d’applications particulières qui déclinent ces grands principes en les adaptant aux conditions particulières d’une société à la dureté de cœur des hommes.
Jésus rapproche deux versets de la Genèse qui appartiennent aux deux grands récits de la création. Le début de la citation est la seconde partie de Gn1,27, «il les créa homme et femme», littéralement «il les créa mâle et femelle», un verset qui a d’abord affirmé et répété que Dieu a créé l’homme à son image. Ce verset est immédiatement suivi en Gn 1,28 du commandement: «Soyez féconds, et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-là». La seconde citation est, elle, tirée de Gn 2,24: «À cause de cela l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux en feront qu’une seule chair.» Ce verset suit l’émerveillement de l’homme découvrant la femme tirée de son côté. La femme représente en quelque sorte la partie manquante de l’homme. L’homme ressent un manque qui ne peut être comblé que par son union avec la femme. Ces deux textes paraissent renvoyer à deux conceptions différentes de la création de l’homme et de la femme: dans le premier récit, Dieu crée l’homme et la femme en même temps et leur union a pour but la fécondité. Dans le second récit Dieu crée la femme à partir de l’homme et l’union de l’homme s’unit à la femme pour combler un manque existentiel. La seule chair que Jésus répète deux fois dans son propos «tous deviendront une seule chair; ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair» peut donc renvoyer à la fois à la fécondité de l’union de l’homme et de la femme dans la perspective du premier récit et la restauration de l’homme dans son intégrité retrouvant sa partie manquante conformément au second récit. Mais les deux récits peuvent se lire en continuité. Dans le premier Récit Dieu crée l’homme, «mâle et femelle» deux mots qui envoient à un donné biologique commun aux hommes et aux animaux. Dans le second récit, c’est l’homme qui, lorsqu’il la rencontre donne à sa femme son nom. C’est la rencontre des deux qui permet de passer de l’identité biologique donnée par Dieu, mâle et femelle, à une identité relationnelle que l’homme et la femme se donnent mutuellement. On peut aussi relever cette particularité du v. 27 que Dieu qui est unique, qui est l’unique crée à son image, l’homme selon deux modalités différentes, mâle et femelle, ce qui laisse supposer que le mâle et la femelle ont vocation à se réunir pour réaliser pleinement l’image de Dieu. Plusieurs éléments dans les deux récits de la création lus dans leur continuité convergent vers l’idée que Dieu veut la réunion de l’homme et de la femme en une seule chair. Jésus en tire argument pour dire que la répudiation de la femme par son mari n’est pas voulue par Dieu. Mais, dans le débat public face aux pharisiens il ne précise pas les modalités concrètes d’application de ce principe.
Méditation du mercredi:
L’enseignement de Jésus en particulier aux disciples
Cet enseignement donné par Jésus aux seuls disciples d’après l’évangile selon saint Marc précise la doctrine de Jésus en matière de répudiation et donne des modalités concrètes. Le changement de lieu et de public lors de l’édiction de ces modalités concrètes peut laisser supposer que nous avons ici moins un propos de Jésus fidèlement rapporté que la réception du propos de Jésus dans une communauté particulière qui est celle pour laquelle saint Marc a écrit son évangile. L’interdiction de la répudiation par Jésus est attestée par plusieurs textes du Nouveau Testament. Ainsi on trouve deux parallèles à notre texte dans l’évangile selon saint Matthieu (Mt 5,31-32 et 19,9) et un dans l’évangile selon saint Luc Lc 16,18). En outre dans la 1ère lettre aux Corinthiens, saint Paul lorsqu’il interdit aux époux de se séparer souligne que l’ordre qu’il donne vient du Seigneur, c’est-à-dire qu’il se fonde sur une parole de Jésus (1 Co 7,10-11); Il ne fait donc guère que Jésus a condamné la répudiation. La radicalité de son propos en la matière tranchait avec les pratiques communément admises à son époque tant dans la société juive où la répudiation de la femme par son mari était admise que dans la société romaine où non seulement l’homme mais aussi la femme pouvait prendre l’initiative de la séparation. Il n’est toutefois pas évident de reconstituer la teneur exacte du propos de Jésus car les différentes versions ne concordent pas parfaitement entre elles et chacune a ses particularités propres, ce qui suggère que le propos initial de Jésus a été adapté aux attentes de la communauté destinataire de l’évangile. L’élément commun à ces différentes versions est l’accusation d’adultère portait contre celui (ou celle) qui renvoie sa femme (ou son mari) pour en épouser une autre. C’est incontestablement le cœur du propos de Jésus sur la répudiation et c’est une affirmation très forte puisque l’adultère est une pratique condamnée par l’un des dix commandements et donc considérée comme un péché extrêmement grave et ce d’autant plus que l’adultère est couramment employé comme une métaphore pour évoquer l’idolâtrie. Jésus suggère que celui ou celle qui renvoie son conjoint pour en épouser un ou une autre est infidèle au projet de Dieu et donc à Dieu lui-même. La particularité de la version de saint Marc est le strict parallélisme qui est établi entre l’homme et la femme: «celui qui a renvoyé (apoluô en grec) sa femme// Si une femme qui a renvoyé (apoluô) son mari» Saint Marc est le seul auteur du Nouveau Testament à parler du renvoi du mari par la femme. Saint Paul évoque bien dans la 1ère Lettre aux Corinthiens la possibilité d’une séparation à l’initiative de la femme mais il n’emploie pas le même verbe si la séparation est à l’initiative de la femme ou à l’initiative du mari: la femme se sépare (chorizô) de son mari alors que le mari renvoie (aphiemi) sa femme. Dans les évangiles selon saint Matthieu et saint Luc, n’est évoquée qu’une séparation à l’initiative du mari sous la forme d’un renvoi (apoluô) de la femme. D’ailleurs, dans la loi juive seul l’homme prendre l’initiative d’une séparation, sous la forme d’une répudiation, ce qui n’était pas le cas dans le droit romain où la femme pouvait demander le divorce. Il est donc possible que le parallélisme de la formule de saint Marc reflète moins le propos original de Jésus qu’une volonté d’adaptation à un auditoire païen.
Méditation du jeudi:
Jésus et les enfants le cadre narratif
La deuxième partie de notre évangile se présente comme un petit récit décrivant l’attitude de Jésus envers les enfants. Ce récit sert de cadre narratif à une parole sur le royaume de Dieu. Il présente une structure assez courante dans les récits évangéliques: des personnages ont un projet qu’ils s’efforcent de réaliser; il se heurtent à un obstacle que l’intervention de Jésus lève et le résultat obtenu excède même la demande initiale. Ici on présente des enfants à Jésus pour qu’il les touche. Le verbe présenter (prospherô) appartient au vocabulaire des récits de miracles. On présente à Jésus des malades et des démoniaques à Capharnaüm en Mc 1,32, un paralytique en Mc 2,4. De même on peut relever la demande que les enfants soient touchés par Jésus. Or le désir de toucher ou d’être touché par Jésus se retrouve dans plusieurs récits de miracles.Ici toutefois un élément nouveau apparaît: les disciples dont écran entre les enfants et Jésus. Leur position est comparable à celle de la foule dans le récit de la guérison de l’aveugle Bartimée en Mc 10,48; d’ailleurs, dans les deux cas le même verbe grec epitimaô est employé pour désigner l’action des disciples à l’égard des enfants et celle de la foule à l’écart de Bartimée même s’il est traduit de deux manières différentes «écarter vivement» dans notre texte, «rabrouer» en Mc 10,48. Face à cette attitude des disciples Jésus se fâche (ou s’indigne) Le verbe aganakteô employé ici à propos de Jésus signifie au sens premier «bouillonner» d’où provient un sens dériver «s’irriter, s’indigner». Ce verbe se retrouve en Mc 10,41 pour désigner l’indignation des dix contre les fils de Zébédée qui réclament d’être placés à l’a droite et à la gauche de Jésus et d’une partie des disciples lorsque d’une femme brise un flacon d’albâtre contenant un parfum de grand prix pour oindre Jésus en Mc 12,3.
Jésus fait plus pour les enfants qui lui sont présentés qu’il ne lui était demandé. Non seulement il les touche ou plutôt «leur impose les mains», ce qui est le geste que Jaïre réclame de Jésus fasse sur sa petite fille mourante en Mc 4,23 mais il les embrasse et les bénit. Le verbe grec traduit par embrasser (enagkalizomai) signifie au sens premier «prendre dans ses bras». Il ne se retrouve que dans un autre passage de l’évangile selon saint Marc qui décrit, lui aussi, la relation de Jésus avec un enfant, Mc 9,36: «Prenant, alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa et leur dit.» Jésus enfin bénit les enfants. Le verbe grec traduit par bénir est kateulogeô dont c’est l’unique emploi dans le nouveau Testament. Il s’agit d’un composé du verbe plus courant eulogeô de même sens que saint marc emploie notamment avec Jésus pour sujet dans les deux récits de partage des pains (Mc 6,41; 8,7) et dans celui de l’institution de l’eucharistie (Mc 14,22). On peut penser que saint Marc a choisi à dessein un terme différent pour suggérer qu’il s’agit d’une bénédiction différente de la bénédiction «eucharistique» du pain.
Méditation du vendredi
Le Royaume de dieu est à ceux qui sont tels des enfants
La parole de Jésus comprend deux temps. Tout d’abord Jésus adresse un ordre aux disciples qui est un ordre double formulé d’abord de manière affirmative puis de manière négative. Ce double ordre est suivi d’une double justification formulée elle aussi d’abord de manière positive puis de manière négative. La double formulation à la fois affirmative et négative et de l’ordre et de sa justification est un procédé de rhétorique biblique visant à souligner l’importance du propos. Si l’ordre donné aux disciples n’a qu’une valeur circonstancielle, la justification soulignant le lien entre les enfants et le royaume de Dieu constitue à n’en point douter un élément important de l’enseignement de Jésus. pour bien le comprendre il est nécessaire d’éclaircir ce qu’est «le royaume de Dieu». L’expression grecque basilieia tou Theou a assurément plusieurs sens dans l’évangile selon saint Marc ce dont rend partiellement compte sa traduction soit par «règne de Dieu» soit par «royaume de Dieu». Au début de l’évangile, dans la prédication initiale de Jésus (Mc 1,15) le «règne de Dieu» paraît désigner une ère nouvelle dont Jésus annonce l’imminence «Les temps sont accomplis: le règne de Dieu est tout proche». Les deux paraboles du règne de dieu du chapitre 4 de l’évangile selon saint Marc, celle de la semence qui pousse toute seule et celle du grain de moutarde suggèrent que ce règne de Dieu est déjà présent dans le monde de manière cachée mais qu’il va se manifester bientôt avec puissance, manifestation dont Jésus annonce l’imminence en Mc 9,1:«Amen, je vous le dois: parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le règne de Dieu avec puissance.» en Mc 9,47 apparaît une autre représentation de la basileia tou Theou non plus comme une ère temporelle mais comme un espace – d’où la traduction «royaume de Dieu» - assimilé à la vie éternelle et opposé à la géhenne. En effet, dans le triple conseil des v. 43.45.47 recommandant des automutilations pour pouvoir entrer dans la vie éternelle plutôt que de s’en aller dans la géhenne, après deux références à la vie éternelle au v. 43 et 45; celle-ci est remplacée par le royaume de Dieu au v. 47. L’expression «royaume de Dieu» désigne donc la même réalité que la «vie éternelle». C’est très probablement aussi le cas dans notre texte. Dans le verset qui suit immédiatement notre texte, un homme seul demande en effet à Jésus «bon maître que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage?» Après le départ de cet ordre qui refuse de suivre Jésus en raison de ses grands biens, celui-ci déclare à ses disciples «Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu!» Ce que Jésus appelle «royaume de Dieu» et bien la même chose que la vie éternelle que l’homme seul voulait avoir en héritage. La proximité entre ces deux propos de Jésus sur l’entrée dans le royaume n’est certainement pas dû au hasard. On a l’impression que l’affirmation répétée à trois reprises (Mc 10,23.24.25) de la difficulté pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu fait en quelque sorte écho au v. 5 d e notre texte affirmant que l’on ne peut entrer dans le royaume de Dieu si on ne l’accueille come un enfant. En d’autres termes Jésus paraît opposer quant à la capacité d’entrer dans le royaume de Dieu de deux figures celle du riche et de l’enfant. Cette opposition permet de mieux comprendre quelles sont les qualités de l’enfant qui le disposent à entre dans le royaume. L’enfant ne possède pas de richesses il est donc disponible à l’accueil du royaume contrairement au riche qui doit renoncer à ses biens pour retrouver se disponibilités de l’enfant. L’enfant ne cherche pas à s’approprier le royaume à avoir la vie en éternelle en héritage- pour reprendre les termes de la question de l’homme riche. Il le reçoit avec gratitude comme un don qui lui est fait et ne cherche pas à l’obtenir par ses bonnes actions.
Méditation du samedi: Quelques pistes de réflexion
Dans ce passage de l’évangile, Jésus affirme le principe de l’indissolubilité de l’union entre l’homme et la femme en s’appuyant sur le texte de la Genèse et condamne à comme adultère l’homme ou la femme qui contracte une seconde union après s’être séparé de son conjoint. Ce texte et la version parallèle de saint Matthieu servent de supports scripturaires à la loi ecclésiastique excluant de la pratique sacramentelle les divorcés remariés. Même si cette loi a été quelque peu assouplie par le pape François dans son encyclique Amoris laetitia, elle n’en demeure pas moins vécue comme une contrainte éprouvante dans une société où désormais la majorité des unions s’achèvent par un divorce. De ce fait, la lecture de ce texte peut être quelque peu douloureuse pour ceux se trouvent en infraction avec cette loi. Pourtant il convient de rappeler que Jésus n’a pas dit que les divorcés remariés devaient être excommuniés. La loi ecclésiastique n’est qu’une interprétation de la parole de tout à fait légitime certes mais cela reste une interprétation. D’ailleurs il est probable que le textes des évangiles sont eux-mêmes des interprétations de la parole de Jésus. En effet, nous disposons de quatre versions de la parole de Jésus condamnant la répudiation, deux dans l’évangile selon saint Matthieu (Mt 5,31-32; Mt 19,9), une fois dans l’évangile selon saint Marc (Mc 10,11) et une fois dans l’évangile selon saint Luc (Lc 16,18). Or aucune de ces versions n’est absolument concordante, ce qui laisse supposer que les évangélistes ne se sont pas contentés de retranscrire fidèlement la parole de Jésus mais l’ont interprété en fonction des besoins de leur communauté. Le seul élément commun que l’on retrouve dans ces quatre citations est l’assimilation de la seconde union d’une personne séparée avec un adultère. Trois des quatre versions (Mt 19,9; Mc 10,11; Lc 16,18) condamnent comme adultère l’homme qui répudie sa femme et en épouse une autre; trois des quatre versions (Mt 5,31-32; Mc 10,11; Lc 16,18) condamnent comme adultère une femme séparée de son mari qui épouse un autre homme mais si Marc parle d’une femme qui renvoie son marie, Matthieu et Luc parle d’une femme répudiée; deux des quatre versions (Mt 5,31-32 et Lc 16,18) étendent la notion d’adultère à l’homme qui épouse une femme répudiée. Enfin saint Matthieu, dans ces deux versions est le seul à évoquer un cas où il paraît accepter la séparation puisqu’il il ajoute la réserve «sauf en cas d’union illégitime». L’expression «union illégitime traduit ici le mot grec porneia qui signifie au sens premier prostitution. Saint Matthieu paraît donc suggérer que le mari pourrait renvoyer sa femme en cas d’infidélité avérée. La comparaison de ces quatre citations suggère que le propos initial de Jésus comportait la condamnation comme adultères d’un homme ou d’une femme séparée de se conjoint qui se contractait une seconde union. Il est plus difficile de savoir si Jésus a présenté la condition de l’homme et de la femme face à la séparation de manière symétrique comme le fait saint Marc ou de manière dissymétrique comme le font saint Matthieu et saint Luc et si la notion d’adultère était étendue à celui qui épouse une personne séparée comme le suggèrent saint Matthieu et saint Luc (mais pas saint Marc). Il est très probable que la qualification d’adultère de la seconde union contractée par une personne séparée remonte à Jésus. Il s’agit d’un propos radical que tranchait avec la relative tolérance à l’égard de la répudiation dans la société juive et du divorce dans la société gréco-romaine. C’est aussi sur cette qualification d’adultère que se fonde la loi ecclésiastique excluant des sacrements les divorcés remariés; ceux-ci ne pouvant en effet être pardonnés tant qu’ils vivent une relation considérée comme adultère. Cette interprétation est certes d’une grande logique mais il me semble pourtant loin d’être assuré qu’elle correspond à l’intention de Jésus en déclarant adultère la seconde union d’une personne séparée. Pour prendre un exemple biblique, le roi David a été pardonné par Dieu après avoir commis l’adultère avec Bethsabée et après avoir fait assassiner le mari de celle-ci Urie. Le Seigneur a en quelque sorte béni cette union adultère à l’origine puisqu’elle a donné un fils Salomon qui a succédé à son père comme roi d’Israël Dieu a pardonné est le meurtre et l’adultère. Il n’a pas exigé de David qu’il se sépare de Bethsabée alors que cet adultère avait entraîné un meurtre. Imaginons maintenant que David n’ait pas fait assassiner Urie mais l’ait simplement convaincu de renvoyer Bethsabée pour qu’il puisse la prendre pour femme. Est-ce que dans ce cas Dieu n’aurait pas pardonné à David son adultèreet aurait exigé qu’il se sépare de Bethsabée sous prétexte que son mari était toujours vivant? Je pense qu’une telle position n’est pas très respectueuse de la grandeur de la miséricorde divine S’il a pardonné à David Meurtrier et adultère, combien plus aurait-il pardonné à Davi seulement adultère. Je pense donc que l’assimilation du remariage d’une personne séparée d’une première union à l’adultère n’implique pas obligatoirement que cette personne doive rompre cette seconde union pour se réconcilier avec Dieu. Je pense que les possibilités de réconciliation des divorcés remariés ouvertes par Amaoris laetitia ne sont pas en contradiction avec le texte évangélique.
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