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11 décembre
LEV GILLET
LA GRÂCE DE L’ATTENTE
Il y a deux types distincts de vocation chrétienne. On ne peut être un disciple de Jésus si l’on ne répond en quelque mesure à deux appels. Celui qui demeure en silence devant le Seigneur, aux pieds du Seigneur, doit surgir et se mettre en route, dès qu’il entend le signal : "Lève-toi. Viens avec moi. Fais pour moi telle chose". Et celui qui suit le Seigneur doit, quand Dieu le lui inspire, s’arrêter pour un temps plus ou moins long et fixer son regard sur l’image nette et puissante de Jésus mise devant ses yeux, car, si la force de cette image s’affaiblit ou disparaît, toute action tentée au nom du Seigneur s’écroule misérablement.
Heureux ceux qui suivent et qui savent où ils vont ! Heureux ceux dont le pas est pressé et qui voient le chemin conduisant au Royaume ! Mais heureux aussi ceux qui attendent, ceux qui appellent le Seigneur, ceux qui implorent la venue, ceux qui ne cessent de clamer : "Viens ! Viens ! Viens encore guérir, pardonner, consoler, sauver !" Heureux celui dont le regard suit tous les regards du Seigneur sur le monde et, en même temps, ne peut détacher son regard du visage de son Seigneur ! En ceux qui suivent et en ceux qui attendent commence déjà le second avènement. C’est déjà l’irruption du Roi dans les âmes et dans l’univers. Mais peut-être percevons-nous plus facilement la grâce de la suite, que la grâce de l’attente.
L’attente du Seigneur n’est pas statique. Elle n’est pas un repos. Toute vraie attente du Seigneur implique une transformation. L’attente du Seigneur est un arrachement. Elle nous arrache à notre terrain, à notre milieu. Elle nous déracine. Elle nous isole. Nous ne voyons plus comme les autres, parce que notre vision porte plus loin. Eux ne savent pas, n’attendent pas. Mais, s’il arrive que les autres attendent avec nous, attendent Celui que nous attendons, alors la même attente crée entre les cœurs la communion la plus intime.
L’attente du Seigneur non seulement prive de leur valeur les choses autres que celles que nous attendons, mais elle nous retire l’instant présent lui-même. En effet, ce que nous attendons, ce n’est pas la présence de l’instant. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas ce que l’instant est. Ce que nous attendons, ce qui nous intéresse suprêmement, c’est Celui que l’instant nous apporte, c’est l’arrivée et le contact du Seigneur dans cet instant.
Seul celui qui attend le Seigneur est cependant capable d’apprécier l’instant présent, d’en connaître la signification et la richesse. Car il sait placer cet instant dans sa perspective exacte. Il sait le coordonner à la venue du Seigneur. L’attente lui ouvre les yeux et lui fait voir les hommes et le monde tels qu’ils sont dans leur réalité profonde.
Pour celui qui attend Jésus, chaque instant s’élargit et s’éclaire. Il s’élargit, car nous le voyons tendre vers la plénitude. Il s’éclaire, car déjà la présence de Jésus projette sur lui la lumière d’une venue encore plus parfaite. Jésus viendra encore, il viendra toujours - jusqu’au second et glorieux avènement. Jésus est venu. Il vient en nous à chaque minute. Et chacune de nos minutes n’a d’autre valeur que cette venue et cette présence de Jésus qu’elle a pu nous apporter.
Le visage de lumière, p. 223-22