LA REGLE DE SAINT BENOIT
L'ancienne Salle du chapitre (12e siècle)

L'ancienne Salle du chapitre (12e siècle)

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Dans la salle du chapitre, chaque jour la communauté entend un commentaire d'un chapitre de la Règle de saint Benoît (d'où son nom)

Nous présentons ici une nouvelle série de commentaires des chapitres de la Règle de Saint Benoît

Règle de saint Benoît

10 octobre


Chapitre 7


De l’humilité (15)



Le douzième degré de l'humilité,

c'est si le moine montre constamment

aux regards des autres

une l’humilité non seulement de coeur,

mais aussi dans son corps ;

pendant le service de Dieu, dans l’oratoire,

au monastère, au jardin, en route,

dans les champs, ou en tout autre lieu,

qu’il soit assis, debout ou en marche,

la tête toujours inclinée, le regard fixé vers la terre ;

à tout heure, s'estimant pécheur,

il se représente le terrible jugement ;

et se répète sans cesse en son coeur

la parole que le publicain de l’évangile

dit les yeux fixés au sol :

"Seigneur, je ne suis pas digne, moi pécheur,

de lever les yeux vers le ciel."

Et de même avec le Prophète :

"Je suis courbé et profondément humilié.»


Ayant gravi tous ces degrés de l’humilité,

le moine parviendra donc bientôt

à cet amour de Dieu, qui, devenu parfait,

chasse la crainte.

Grâce à cet amour,

tout ce qu’auparavant il observait non sans terreur,

il commencera à l’observer sans aucune peine,

comme naturellement et par habitude,

non plus par frayeur du séjour des morts,

mais par amour du Christ,

accoutumé au bien et se délectant des vertus.

Voilà ce que, dès lors,

le Seigneur daignera manifester par l’Esprit Saint

en son ouvrier, purifié de ses erreurs et de ses fautes.


Le douzième degré d’humilité rassemble les deux aspects qui constituent notre humanité. D’une part, la conscience que nous sommes de la terre, venus de la glaise du sol et donc habités par cette réalité, pour que notre condition soit nourrie de cet humus (à la racine du mot «humilité»). Et d’autre part, le fait que nous soyons participant d’un amour qui nous dépasse et nous donne des ailes. Constamment confiants dans cet amour, nous pouvons vivre au ras du sol avec la force de ceux qui n’en sont prisonniers. Dans cette attitude, nous pouvons prétendre à une accoutumance du bien, inspiré dans un coeur et un corps qui se laissent rejoindre sans obstacle. Et ainsi, nous partageons déjà, dès cette terre, la vie des ressuscités.



11 octobre


Chapitre 8


De l’office divin, la nuit


En période d'hiver, soit du premier novembre à Pâques

très raisonnablement,

on se lèvera vers 2-3h du matin,

de sorte qu’on se repose un peu plus de la moitié de la nuit

et qu’on se lève sans lourdeur.

Le temps qui restera après les Vigiles,

les frères qui ont quelque manque pour le psautier ou les lectures,

s'emploieront à la méditation.

De Pâques au premier novembre,

l’horaire sera réglé de telle façon que,

après un très court intervalle

pendant lequel les frères sortiront pour les besoins naturels,

la célébration des Vigiles sera immédiatement suivie des Laudes

qui doivent être célébrées au lever du jour.


Dans le prolongement du traité spirituel qui donne les bases de l’attitude intérieure pour aborder les choses de la vie courante en toutes circonstances, heureuses ou malheureuses, saint Benoît développe l’importance que l’on donne à la prière commune. C’est un lieu de rendez-vous où l’on travaille ensemble cette capacité à tout enraciner dans la connexion à la vie de Dieu au plus profond de nous. Dans les quelques chapitres qui suivent, saint Benoît décrit l’agencement de l’office mais il pointe aussi quelques conseils et quelques consignes pour bien aborder des points essentiels par rapport on a du mal à rester fidèle.

Saint Benoît prévoit un rythme de vie qui respecte celui de la nature. Cela veut dire un coucher à l’heure où tombe la nuit et un lever à l’heure où il fait encore nuit. Aujourd’hui, cela consisterait en hiver, à un coucher vers 19h et un lever vers 3-4 heures (heures solaires transcrites en horaires européens d’aujourd’hui), ce qui fait une nuit relativement longue de quelques 8 heures de sommeil. C’était d’ailleurs, à cette époque le rythme de la population rurale au sein desquels se trouvaient les monastères de la région de Subiaco et du Mont-Cassin. Donc saint Benoît insiste sur le fait que l’office de nuit se passe vraiment dans la nuit comme un temps de veille dans l’attente du jour nouveau. Du coup en été le coucher serait entre 20h et 21h et le lever entre 4h et 5h. Et dans ce cas, les lectures des vigiles sont réduites pour que l’office soit vraiment célébrées dans la nuit avant que le soleil ne se lève au moment où on célèbre les Laudes. Les Laudes au lever du jour, sont la louange de Dieu pour la nature qui s’éveille, pour le Christ qui ressuscite dans la perspective de notre propre résurrection. Sans le prendre obligatoirement de manière littérale, comme il serait beau de retrouver ce rythme de vie en accord avec la nature, en ces temps où l'on essaie de lui redonner tous ses droits.


12 octobre


Chapitre 9


Combien de psaumes dire aux Heures de nuit


En cette même période d'hiver,

on dira en premier lieu, trois fois le verset :

"Seigneur, ouvre mes lèvres,

et ma bouche annoncera ta louange."

On le fera suivre du psaume 3

et du Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit...

Après quoi, le psaume 94 avec refrain ou du moins chanté.

Puis suivra l'hymne,

ensuite six psaumes avec refrain.

Ceux-ci étant dits ainsi que le verset qui suit,

l’abbé donnera la bénédiction,

et, tous étant assis sur les bancs,

les frères liront à tour de rôle,

dans le livre posé sur le lutrin,

trois lectures entrecoupées de trois répons chantés.

On dira deux répons sans Gloire au Père... ;

mais, après la troisième lecture,

celui qui chante dira le Gloire au Père.

Dès que le chantre l’entonnera,

tous se lèveront de leur siège

pour l’honneur et la révérence

dus à la sainte Trinité.

Pendant les Vigiles,

on lira les livres d’autorité divine

tant de l’Ancien que du Nouveau Testament

et les commentaires qu’en ont écrit les Pères catholiques

connus pour leur orthodoxie.

Après ces trois lectures avec leur répons,

suivront six autres psaumes qu’on chantera avec Alléluia.

À leur suite, on récitera par coeur

un passage des épîtres de saint Paul,

un verset, la supplication de la prière litanique

c’est-à-dire le Kyrie eleison.

Et ainsi s’achèveront les Vigiles, la nuit.


L’office de la nuit, même en semaine est assez consistant. Il dure largement une heure.

le verset «Seigneur, ouvre mes lèvres» est tout indiqué au début de ce premier office de la journée. Il est tiré du psaume 50 qui bien qu’étant un psaume pénitentiel, invite in fine à l’action de grâce. Il est suivi par le psaume 3 en raison du verset : «Tranquille, je me suis couché, j’ai dormi, je m’éveille, j’ai toujours pour soutien le Seigneur.» Puis c’est le psaume tradition d’invitation à la prière, 94 : «Venez, crions de joie pour le Seigneur….» qui loue Dieu à la fois pour son oeuvre de création et de rédemption. Il y a une progression dans la manière de chanter cette introduction, les premiers psaumes sont dits sur un ton récitatif, tandis que le psaume 94 est toujours chanté avec ou sans antienne. L’esprit et la voix se remettent en condition peu à peu. L’hymne est un chant populaire qui poursuit le réveil d’une manière plus déterminée encore avec une dimension métrique qui donne un rythme particulier. On dit ensuite six psaumes sous forme responsoriale avec un soliste et l’assemblée qui ponctue le texte par un refrain. Ces psaumes sont chantés debout. Cette psalmodie est suivie d’un verset qui illustre l’heure et l’ambiance de ce moment de prière. Le supérieur donne la bénédiction au lecteur placé au milieu du choeur devant le pupitre et tous étant assis dans une position d’écoute, le lecteur lit un passage soit de l’Ecriture, soit d’un auteur bien reconnu pour son autorité théologique, entrecoupé de trois chants pour maintenir l’attention. Pendant tout ce temps, on reste assis ; on ne se lève qu’après le troisième répons pendant le chant du «Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit» afin d’honorer la Trinité et de reconnaître ainsi sa présence active en chacun et en tous. Après cela, ce sont six nouveaux psaumes entrecoupés cette fois du refrain alléluia, dans la perspective du jour qui pointe comme un symbole de la résurrection qui vient. On lit ensuite un bref passage de saint Paul, une réponse sous forme d’un verset de psaume. Et pour terminer l’invocation Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison. C’est de cette manière là que se termine l’office au milieu de la nuit comme un cri du coeur qui s’élève au milieu des combats de l’humanité et qui appelle à la vigilance dans une prière constante. Il y a sans doute une bénédiction finale.

On peut retrouver toutes les vidéos de ce commentaire de la Règle, sur Youtube en cherchant : Règle de Saint Benoît.....