Règle de saint Benoît
L'ancienne Salle du chapitre (12e siècle)
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Dans la salle du chapitre, chaque jour la communauté entend un commentaire d'un chapitre de la Règle de saint Benoît (d'où son nom)
On peut retrouver les vidéos de ce commentaire de la Règle, sur Youtube en cherchant : Règle de Saint Benoît.....
14 juillet
Chapitre 35
Des semainiers de la cuisine (suite)
Une heure avant le repas,
les semainiers recevront du pain et de la boisson,
en plus de la mesure fixée,
afin de servir leurs frères à l’heure du repas
sans récrimination et sans peiner à l’excès.
Mais les jours de fête, ils patienteront jusqu’à la fin.
Le dimanche, sitôt la fin des Laudes,
les semainiers qui entrent et ceux qui sortent
se prosterneront dans l’oratoire aux genoux de tous,
leur demandant de prier pour eux.
Celui qui sort de semaine dira ce verset :
"Tu es béni, Seigneur Dieu, toi qui m’as aidé et consolé."
Ayant dit ce verset par trois fois et reçu la bénédiction,
celui qui sort sera suivi de celui qui entre,
lequel dira : "Dieu, viens à mon aide, Seigneur, hâte-toi de me secourir."
Ayant dit par trois fois ce verset qui sera répété par tous,
et ayant reçu la bénédiction, il prendra son service.
Dans cette fin de chapitre se mélangent à la fois la dimension liturgique du repas avec la bénédiction des semainiers et la considération humaine pour prévenir la faiblesse de ceux qui servent en les invitant à recevoir un petit plus de nourriture pour qu’ils servent joyeusement. C’est là tout l’art de la Règle qui tient toujours compte de ces deux dimensions pour avancer de la manière la plus juste en toute circonstance.
13 juillet
Chapitre 35
Des semainiers de la cuisine
Les frères se serviront les uns les autres ;
nul ne sera dispensé du service de la cuisine,
sauf cas de maladie ou raison grave d'une tâche indispensable.
Car ce service accroît ce qui est dû en retour et la charité.
On procurera des aides aux faibles
pour qu’ils ne travaillent pas avec tristesse.
Tous auront des aides selon que l’exigeront
l’importance de la communauté
et les conditions locales.
Si la communauté est nombreuse,
le cellérier sera dispensé de la cuisine
et, comme nous l’avons dit,
ceux qui sont occupés à des choses plus utiles.
Les autres se serviront mutuellement avec charité.
Celui qui sortira de semaine fera les nettoyages le samedi.
On lavera les linges avec lesquels les frères s’essuient les mains et les pieds.
Celui qui sort et celui qui entre laveront les pieds de tous.
On rendra au cellérier, propres et en bon état,
les ustensiles dont on s’est servi.
Le cellérier les consignera de même pour celui qui entre,
afin de savoir ce qu’il donne et ce qu’il reçoit.
Saint Benoît accorde une place centrale au service. On pourrait même dire que c’est la traduction de l’eucharistie dans les faits de la vie quotidienne. Les frères ou le soeurs se servent entre eux quel que soit le rang et leur fonction par ailleurs. Ils se lavent les pieds les uns les autres au début de la semaine. C’est le signe christique qui présidera à toute l’attitude de service et qu’ils déploieront dans toute la semaine. Je ne suis pas certain que toutes les communautés mettent consciemment ce sacramental au coeur de la vie. C’est pourtant crucial pour la bonne santé d’un groupe humain.
12 juillet
Chapitre 34
Si tous doivent recevoir le nécessaire de manière uniforme
Il est écrit : "On donnait à chacun selon ses besoins."
Par suite nous disons qu’il faut,
non pas privilégier l’un sur l’autre – tant s’en faut – ,
mais prendre en considération les infirmités.
Que celui qui a besoin de moins rende grâces à Dieu
et ne s’attriste pas.
Pour celui à qui il faut davantage,
que son infirmité le rende humble
et qu’il ne s’enorgueillisse pas
de la bonté qu’on a pour lui.
Ainsi tous les membres seront en paix.
Avant tout, que le mal de la récrimination
ne se manifeste pour aucun motif
ni par quelque signe que ce soit.
Si quelqu’un en est saisi,
il sera soumis à un traitement rigoureux.
La règle de donner à chacun selon ses besoins vient du livre des Actes des Apôtres, dans le portrait de la première communauté chrétienne. C’est un mode de régulation économique qui ne manque pas de pertinence. C’est sans doute la politique la plus judicieuse pour qu’une communauté humaine vive le mieux possible. Tout le monde n’a pas les mêmes besoins au niveau des nécessités ordinaires. Si réellement on prend en compte les besoins respectifs des uns et des autres, il devrait y avoir un contentement de tous. Mais sur ce fond de bon sens, viennent se glisser des sentiments irrépressibles d’envie, de jalousie qui rendent aussitôt la vie bien plus compliquée qu’elle ne pourrait l’être si l’on revenait à l’essentiel. Rêvons que cette économie de bon sens soit au moins possible dans tous les monastères.
11 juillet
Chapitre 33
Les moines doivent-ils avoir quelque chose en propre ?
C’est surtout ce vice-là
qu’il faut radicalement extirper du monastère.
Nul ne prendra la liberté de donner ou de recevoir
quelque chose sans ordre de l’abbé,
ni d’avoir rien en propre,
absolument rien, ni livre, ni cahiers, ni crayon, absolument rien.
D’autant qu’il ne lui est même pas permis
de disposer à son gré de son corps ni de ses désirs.
Mais il faut attendre du père du monastère
tout le nécessaire et ne se permettre d’avoir rien
que l’abbé n’ait donné ou autorisé.
Tout sera commun à tous, comme dit l’Ecriture,
afin que nul ne dise ou prétende qu’une chose est à lui.
S’il est reconnu que quelqu’un se complaît dans ce vice détestable,
on le réprimandera une et deux fois ;
s’il ne s'amende pas, il subira une correction.
Il est inscrit dans la nature comme par mode de sécurité que nous pensons nous appartenir à nous-mêmes et que nous acquérons des biens qui nous appartiennent. Lorsque cette possession devient un absolu, il est plus difficile de se rendre libre pour vivre l’essentiel qui lui, jamais, ne nous appartiendra. L’évangile tente souvent de montrer à quel point cette possession est illusoire : elle ne donne qu’une apparence d’appartenance propre. Car tout, ici-bas, est passager ; rien n’est fait en ce monde pour durer et nous même aussi passons. A quoi bon par conséquent s’attacher à ce qui passe au détriment de ce qui ne passe pas ? L’effort de désappropriation permet cela de plus en plus, jusqu’au moment de la mort où nous devrons lâcher ces biens passagers de manière définitive. Cela sera d’autant plus facile que nous nous y serons exercés durant toute notre vie.
10 juillet
Chapitre 32
Des outils et objets du monastère
L’abbé remettra aux frères
dont la vie et les moeurs sont sûrs
les choses du monastère :
outils, vêtements et autres objets.
Il leur en confiera la garde
et le soin au fur et à mesure qu’il le jugera utile.
L’abbé en conservera un inventaire
pour savoir ce qu’il donne et ce qu’il reçoit,
quand les frères se relaient dans les charges.
Si quelqu’un traite des choses du monastère
de façon malpropre ou négligente, il sera réprimandé ;
s’il ne se corrige pas, il subira la discipline de la règle.
Il est impressionnant dans la Règle de voir les biens matériels du monastère traités avec autant d’attention. Saint Benoît veut faire de toute la vie des moines un lieu de conversion. A travers leur manière d’utiliser les objets communs à tous, les moines pratiquent finalement le détachement d’eux-mêmes et l’attention aux autres. On aimerait que toute société vive selon ce principe et ne cède pas à la facilité du relâchement et du désintérêt pour le lien social à travers la sensibilité au bien commun. Si l’on avait cette attention élémentaire, bien des soucis de société seraient évités : consommation mal équilibrée, injustice dans la répartition des biens même indispensables, gaspillage, malpropreté et négligence par rapport à l’entretien et au bon fonctionnement du matériel mis à disposition de tous.