Règle de saint Benoît
L'ancienne Salle du chapitre (12e siècle)
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Dans la salle du chapitre, chaque jour la communauté entend un commentaire d'un chapitre de la Règle de saint Benoît (d'où son nom)
Nous présentons ici une nouvelle série de commentaires des chapitres de la Règle de Saint Benoît
21 avril
Chapitre 64
De l’institution de l’Abbé (suite)
Une fois institué, l’abbé pensera toujours
à la charge il a reçue et à celui à qui il rendra compte de sa gestion.
Il saura qu’il lui faut plutôt être pour les autres
que passer devant les autres.
Il convient donc qu’il soit instruit de la loi divine,
pour qu'il sache où puiser le nouveau et l’ancien.
Qu’il soit chaste, sobre, compatissant,
et qu’il fasse toujours passer la miséricorde avant le jugement,
pour être traité de même.
Il haïra les vices, il aimera les frères.
Quand il aura à corriger, il le fera avec prudence et sans excès :
qu'en voulant gratter la rouille, il ne brise pas le vase.
Il aura toujours à l’esprit sa propre fragilité,
et se souviendra qu’il ne faut pas broyer le roseau affaibli.
En cela, nous ne disons pas qu’il permette d’entretenir les vices.
Mais il les éliminera avec prudence et charité,
quand il verra que cela s’impose selon les cas,
comme nous l’avons déjà dit.
Qu’il travaille à être aimé plutôt qu’à être craint.
Il ne sera ni agité, ni anxieux, ni excessif, ni obstiné,
ni jaloux, ni soupçonneux, sans quoi il n’aura pas de repos.
Dans ses ordres, il sera prévoyant et circonspect.
Qu’il commande un travail pour Dieu ou pour les affaires de ce monde,
il discernera et tempérera, pensant à la discrétion de saint Jacob disant :
"Si je fatigue mes troupeaux en les faisant trop marcher,
ils mourront tous en un jour."
Saisissant donc ces témoignages et d’autres
rendus à la discrétion, la mère des vertus,
qu’il tempère toutes choses
pour que les forts désirent davantage
et les faibles ne fuient pas.
Surtout qu’il observe en tout point la présente règle.
Alors, ayant bien administré, il entendra du Seigneur
ce qu’entendit le bon serviteur qui, en temps voulu,
donna la nourriture à ses co-serviteurs:
"En vérité je vous le dis, il l’a établi sur tous ses biens. »
Ce chapitre 64 marque le caractère profondément humain de saint Benoît et du coup, tempère ce que l’autre chapitre de la Règle sur l’abbé (ch 2) pouvait avoir d’un peu sévère. A la fin de sa Règle, saint Benoît insiste sur la qualité du discernement et sur la mesure en toutes choses. Le discernement sur les personnes, les choix, les événements sera surtout marqué par la miséricorde plutôt que par un jugement extérieur. La miséricorde, c’est le regard du coeur profond qui peut tout évaluer à la dimension de l’amour. Il ne s’agit donc pas de dominer, d’écraser, d’obliger, il s’agit d’être au service de chacun et de tous, en vue de la croissance pour susciter, pousser en avant, permettre que tout advienne pour le bien. Faire cela nécessite de la patience, de l’équilibre et un regard sur soi lucide, sans prétention vaine. J’aime, à la fin du chapitre, que saint Benoît appelle l’abbé et les responsables, des co-serviteurs, serviteurs avec lui pour vivre avec lui le mystère de Pâque et faire en sorte que tous goûtent le salut de Dieu et la joie du Royaume.
22 avril
Chapitre 65
Du Prieur du monastère
Il arrive souvent que l’institution d’un prieur
provoque de graves scandales dans les monastères.
Certains en effet, enflés d’un mauvais esprit d’orgueil,
s’imaginent être de seconds abbés ;
ils font preuve de tyrannie
et nourrissent des scandales et créent des dissensions dans les communautés.
C’est le cas surtout là où le prieur est institué par le même prêtre,
ou par les mêmes abbés qui ont institué l’abbé.
Il est aisé de comprendre qu’il est tout à fait absurde
de lui donner prétexte à orgueil dès le début même de son institution,
quand ses pensées lui suggèrent qu’il est soustrait à l’autorité de l’abbé,
De là jalousies, rixes, médisances, rivalités, dissensions, désordres.
Quand l’abbé et le prieur sont d’opinion contraire,
leur âme est forcément en danger,
et ceux qui leur sont soumis vont à leur perte
quand ils flattent les divers partis.
Le mal né d’un tel péril est au premier chef
le fait des instigateurs de tels désordres.
Visiblement, saint Benoît a rencontré de lourds problèmes avec cette question. Dans tout groupe, il y a obligatoirement quelqu’un qui joue le rôle de premier, c’est à dire qui, à terme, tranche et assume les décisions prises. Et il y a obligatoirement des seconds, c’est à dire des personnes qui partagent de près la responsabilité dernière avec le responsable mais qui n’ont qu’un rôle de conseil et d’approfondissement, de soutien et de partage dans l’exercice de la responsabilité. Et selon les personnalités, l’un peut être un excellent premier qui sera un mauvais second, et l’autre un excellent second qui ne pourra pas être un bon premier. L’important pour Benoît, c’est que le groupe soit bénéficiaire de l’exercice de ses responsables et non pas pénalisé. La proposition de Benoît est que ce soit pas la même instance qui nomme le premier et le second afin qu’ils n’entrent pas en concurrence de pouvoir (tentation suprême de l’humain), mais finalement que le premier puisse puisse exercer sa responsabilité dernière en toute indépendance et que le second se ressente comme un collaborateur et non un concurrent. Bien sûr, le premier peut aussi abuser d’une telle autorité ; c’est pourquoi saint Benoît a insisté sur l’approche de sa fonction en terme d’attention, de service, de souci de croissance pour chacun. La partie n’est pas gagnée d’avance.
23 avril
Chapitre 65
Du Prieur du monastère (suite)
C'est pourquoi, nous voyons qu'il convient,
pour la garde de la paix et la charité,
de confier à l'arbitrage de l’abbé l’ordonnance de son monastère.
Et s'il est possible, ce sont les doyens, comme nous l'avons dit plus haut,
qui règleront tout ce qui est utile au monastère,
conformément aux dispositions prises par l’abbé.
De cette façon, un seul ne s’enorgueillira pas
de ce qui a été confié à plusieurs.
Pourtant, si le lieu l’exige ou si la communauté
le demande raisonnablement et avec humilité
et si l’abbé juge que cela convient,
l’abbé, avec le conseil de frères craignant Dieu,
choisira quelqu’un et l’établira comme son prieur.
Ce prieur exécutera avec déférence
toutes les choses que son abbé lui aura enjointes,
sans rien faire contre la volonté et les dispositions de l’abbé.
Car il lui faut être d’autant plus attentif
à observer les commandements de la règle
qu’on a été élevé au-dessus des autres.
Si ce prieur se montre vicieux, tombant dans l’élévement de l’orgueil,
s’il est convaincu de mépris pour la sainte règle,
on le reprendra verbalement jusqu’à quatre fois.
S’il ne s’amende pas, on lui appliquera la discipline de la règle.
Si même alors il ne se corrige pas,
il sera déchu de son rang de prieur
et on lui substituera un autre qui en soit digne.
Si, par la suite, il n’est pas tranquille et obéissant dans la communauté,
on le chassera du monastère.
Toutefois, que l’abbé pense
qu’il devra rendre compte à Dieu de tous ses jugements,
pour que son âme ne brûle pas du feu de l’envie ou de la jalousie.
Voici encore des propos tout en équilibre. S’il veut bien gouverner, l’abbé doit s’entourer de collaborateurs ; mais l’idéal, c’est qu’ils soient plusieurs de façon « un seul ne s’enorgueillira pas de ce qui est réparti avec d’autres. » C’est l’abbé qui départagera quand il y aura désaccord. Et c’est avec un groupe de gens de confiance formant le conseil de l’abbé que sera nommé un second, si c’est vraiment nécessaire. S’il y a un second, il faut vraiment qu’il soit attentif à ce que manifeste le responsable et qu’il fonctionne sans ambiguité aucune. Sinon, il y aura des mesures prises, patiemment, sans rien précipiter, mais efficaces et qui peuvent aller jusqu’au renvoi. Aussitôt, saint Benoît complète en disant que le responsable doit veiller à ne pas être conduit par l’envie et la jalousie.
On peut retrouver les vidéos de ce commentaire de la Règle, sur Youtube en cherchant : Règle de Saint Benoît.....