Travail monastique

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Fr. Jean-Pierre Longeat



LA PRIÈRE

(extrait de la dernière lettre de Ligugé)



Il est bien difficile de parler de la prière, on l’expérimente plutôt. C’est aussi difficile de parler de parler de la prière que d’une relation d’amour. Et pourtant il faut en parler. J’en parle comme moine, d’autres en parlerait autrement.


I. La prière et son contexte Vie active et vie contemplative


La notion ancienne est différente de la notion moderne. Pour les anciens, la prière appartient tout autant à la vie active (praxis) qu’à la vie contemplative (theoria). La vie active ou pratique est le terrain de la conversion : la prière y intervient sous le mode de la psalmodie et de la liturgie. La vie contemplative est la poursuite de l’union à Dieu au-delà de toute pensée, de tout mot, de toute volonté même : la prière y intervient selon le mode que nous appelons en Occi- dent : oraison.


La vie active c’est donc le terreau nécessaire pour accéder à une prière non illusoire. La fleur de la praxis, c’est l’impassibilité. Les passions laissent progressivement la place à une disponibilité, une paix intérieure. Il s’agit là de parvenir à la vraie charité : “Si l’on nous posait la question : quel est l’objet de votre culte et de votre adoration ?” : nous dirions sans hésiter : “La charité” car notre Dieu est la charité (St Grégoire le Grand, homélie 22, 4).


Finalement par la voie de l’apathéia, la charité constitue la principale ver- tu et le sommet de toute perfection, c’est le terme de la praxis. Cassien dans sa deuxième Conférence précise que la visée de la vie chrétienne, c’est la charité, la pureté du cœur (exactement), la prière pure en est la finalité.


Il est important de considérer la vie de charité avant même de parler de la prière (c’est bien ce que font les mystiques : St Jean de la Croix, Ste Thérèse, St Benoit et les pères monastiques.)


a. La charité, comme amour spirituel de soi


Aimer Dieu et le prochain comme soi-même. Il y a un bon et un mauvais amour de soi (philautie).


“S’aimer dans sa réalité spirituel d’image de Dieu” et “qui aime Dieu s’aime soi-même” St Antoine, lettre 4, 9, alors que l’amour de soi autocentré est attachement de l’homme à son individualité, à un moi replié sur lui-même, opaque et excluant Dieu.


Le bon amour de soi permet de se connaître ce qui est le premier pas de la vie spirituelle. Se connaître comme créature de Dieu, appelé à devenir Dieu avec les autres créatures.


b. L’amour du prochain


L’amour de tous les hommes sans exception et de manière égale. (cf : jusqu’à l’amour des ennemis Mt 5, 43) : “Celui qui aime tous les êtres de manière égale est parvenu à la perfection” (Isaac le Syrien, Prière 43), c’est l’imitation de l’amour de Dieu.


Tous les hommes de même nature sont promis au partage de la nature di- vine. Est chrétien celui qui s’estime un avec tous par l’habitude de se voir lui- même en chacun (Prière 125).


c. L’amour de Dieu


C’est tout l’être de l’homme qui se tourne finalement vers l’amour de Dieu, « de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée, de toute ta force » (Mc 12, 29). La charité est liée à toutes les vertus, et donc à l’usage normal de toutes puissances ou facultés de l’homme. Il faut donc le travail de la praxis pour vivre le détachement du soi individualiste et parvenir à l’attachement de la charité.


La prière joue dans ce travail un rôle capital : “Toutes les vertus aident l’esprit à l’amour de Dieu, mais, plus que les autres, la prière pure” (St Maxime Centuries sur la charité 1, 11). La prière apparaît comme un critère de la chari- té ; et la charité comme un critère de la vraie prière.


C’est bien là la perfection à laquelle l’homme est appelé : c’est l’union de l’homme à Dieu, l’habitation de la Trinité en l’homme :


-Jn 14 :23 : “Si quelqu’un m’aime, il observera ma Parole et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre de- meure”.
-Jn 15, 7 : “Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez et cela vous arrivera”.
Idem pour l’amour du prochain :
-1 Jn 4, 16 : “Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous”.
Le contexte de la prière, c’est cette déification de l’homme dans la charité, renonçant à toute pesanteur charnelle des passions désordonnées.



II. Le chemin de la prière


Il y a différentes approches possibles. Notamment, pour ce qui est des Pères, l’Orient et l’Occident ne procèdent pas tout à fait de la même manière. Je voudrais proposer ici une synthèse de ces deux approches qui caractérise bien la manière dont le mouvement monastique se situe actuellement.


Texte de référence Guigues II le Chartreux : Lettre sur la vie contemplative, l’Échelle des moines 9ème prieur de la Grande Chartreuse (12ème siècle).


Cette échelle accompagnant la vie spirituelle se compose de la lecture, de la méditation, de la prière et de la contemplation.


1. Préparation


La prière corporelle : On doit prier avec tout soi-même. Le corps est un moyen donné à l’homme pour communiquer ; il participe donc aussi de la communication avec Dieu.


Il y a donc des attitudes, des lieux et des formes qui aident la prière, sa- chant bien sûr que ce qui importe, c’est surtout la disposition intérieure ; citation de St Benoit ch. 20 : “Si lorsque nous avons une requête à présenter aux hom- mes puissants, nous ne les abordons qu’avec humilité et respect, combien plus devons-nous offrir nos supplication en toute humilité et pureté aux Seigneur Dieu de l’univers”.


2. La lecture


Chez les Pères, la notion de lecture est bien différente de la lecture de la nôtre : c’est la même lecture de l’Écriture que celle pratiquée par les Juifs : un dialogue et une communion avec Dieu : “Ou prie assidûment, ou lis ! Tantôt parle à Dieu, tantôt écoute-le” (St Cyprien, Lettre 1,15).


Il s’agit de manger, de mâcher, de manduquer l’Écriture. Lecture personnelle ou lecture dans la liturgie qui fait son œuvre dans le cœur, comme peu- vent le faire aussi les écrits spirituels. Il s’agit de saisir le sens spirituel de l’Écriture :


-“Celui qui juge les écrits doit être muni presque de la même préparation (spirituelle) que celui qui les a écrits. Celui qui n’est pas agriculteur n’est pas capable de juger le travail agricole… Moi je constate qu’il n’est pas permis à chacun de rechercher lui-même les paroles de l’Esprit ; peut seul le faire celui qui possède l’Esprit de discernement” (St Basile, Homélie sur l’Héxameron, Lév. 1, 1)

-“c’est le même esprit qui est à l’œuvre chez l’auteur et chez le lecteur ou l’auditeur” (St Grégoire)


3. La méditation


En hébreu, haga ; en grec, meletân ; en latin, meditari. La racine hébraïque peut se comprendre : murmurer à mi-voix avec un physique de la gorge et un sens spirituel du cœur. En grec : prendre soin de, veiller à, prendre à cœur. En latin : s’exercer, s’habituer.
On parle aussi de rumination. Les pères soulignent qu’en Lv. 11, 3, les ruminants sont des animaux purs. Il s’agit en fait de répéter à mi-voix ce qu’on a lu, courts passages de l’Écriture, versets de psaumes, tout au long de la journée, pendant les déplacements, pendant le travail, etc.


Méditer à quelque chose à voir avec prier sans cesse. Apprendre par cœur, faire entrer dans le cœur, ces passages lus puis ruminés.


Le but de la méditation est de faire pénétrer la Parole de Dieu jusqu’au cœur où elle devient prière.


Pour cela la méditation doit éviter tout rationalisme. La raison intervient au stade précédent, celui de la lecture où on scrute les Écritures.


Méthode :


♦Ne pas argumenter : bien comprendre et présenter cette vérité au cœur.
♦Ne pas changer de sujet tant que le cœur n’a pas été touché.
♦Joindre éventuellement quelques images à la pensée (les images font plus d’impression, mais ce doit être à la manière d’icônes).
♦Résumer la vérité en une courte sentence et la répéter souvent en se laissant prendre par le désir plutôt que par l’analyse intellectuelle.


“Ce n’est pas l’abondance du savoir qui rassasie l’âme, mais de sentir et de goûter intérieurement” (St Ignace, Exercices).


4. La prière


La lecture et la méditation avaient pour but d’aiguiser la fine pointe de l’esprit. Mais voyant qu’elle ne peut atteindre Dieu, l’âme finit par lâcher prise et accepte de recevoir d’un autre ce qu’elle recherchait avec ses propres forces.


C’est la prière qui a pour but d’augmenter le désir de la rencontre véritable. C’est une préparation à une prière supérieure où tout se fera en silence. C’est la Parole priée (les psaumes, la liturgie) qui répond à la Parole livrée, en- tendue, reçue.


Les paroles de la prière revêtent ici un caractère quasi-sacramentel. “Cette prière encore vocale (ou mentale) ressemble au balbutiement des enfants qui ré- concilient le Père plus facilement que des discours de paroles recherchées” (St Jean Climaque. Ech. 28).

Il vaut mieux commencer par des prières déterminées pour passer ensuite à l’oraison libre.
La prière des psaumes a une valeur particulière.


5. La contemplation


À la prière succède la contemplation et la contemplation passe par une connaissance spirituelle et intérieure de toute chose. Aucune qualification intellectuelle n’est requise dans cet ordre de choses. La capacité rationnelle peut par- fois même être un obstacle sur le chemin de la connaissance spirituelle.


Il y a un premier degré, celui de la contemplation naturelle et un degré supérieur : la contemplation de Dieu : “Celui qui prie est vraiment théologien, est théologien celui qui prie vraiment” (Évagre).


a- La contemplation naturelle


C’est la connaissance/contemplation des êtres, de la nature, des créatures. Connaître et contempler en chaque créature ce qui constitue sa relation à Dieu, les perfections invisibles de Dieu qui se déploient en elle.


L’homme libéré des passions voit Dieu à travers la création. “C’est la perception intérieure des mystères divins cachés dans les choses et dans les causes” Isaac le Syrien (Discours 30).


Par cette connaissance/contemplation l’homme se comporte comme il convient à l’égard des créatures et de Dieu.


L’homme réalise ainsi la tâche que Dieu lui avait confié en le créant : réaliser en lui dans l’union à Dieu, l’unification de la création”. Connaissance vraie des choses, du prochain, de soi-même porte vers la connaissance de Dieu.


L’homme parvient ainsi à la finalité de sa nature à l’image de celle de Dieu-Trinité : rendre grâce éternellement. “Si jamais les saints ont consenti au spectacle des êtres, ils ne se sont pas portés à les contempler et à les connaître, comme nous, principalement par attachement à la matière mais pour louer de multiples façons le Dieu présent et apparaissant en tout et partout” (St Maxime le Confesseur).


Mais l’homme doit aller au-delà encore “Le spirituel averti, une fois libre des passions, s’élance sur la route, vers la contemplation des êtres et au-delà, vers la connaissance de la Sainte Trinité” (St Maxime Cent 1, 86). “Car le toit de l’édifice spirituel, c’est la connaissance divine de Dieu Lui-même” (Syméon le NT).


b. La connaissance/vision de Dieu


Hors de toute image et représentation, au-delà de la contemplation de Dieu dans les êtres créés, au-delà de toute connaissance humaine “Si quelqu’un croit savoir quelque chose, il n’a pas encore connu comme il faut connaître” (1 Cor. 8, 2). Il y a cessation de toute activité de l’intellect. La contemplation n’est pas l’inconnaissance, elle se rend disponible à un au-delà de l’inconnaissance même.


La contemplation n’est pas seulement dépouillement et négation ; c’est une union et une divinisation qui survient après le dépouillement. C’est la révélation de Dieu dans l’esprit prêt à l’accueillir. “Ces choses qui ne sont point montées au cœur de l’homme, ces choses que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment, Dieu les a révélées par l’Esprit” (1 Cor. 2, 9-10).


C’est la vision de Dieu : participation de l’homme à la nature divine. Les facultés humaines, sous l’action de l’Esprit, accèdent à un autre mode d’existence. Il est préférable de parler d’union que de connaissance : l’homme est assimilé à ce qu’il voit et à ce par quoi il voit. “Dieu et les saints ont une seule et même énergie” (St Maxime).


- Quelle prière ?


La prière est la clé de la vision de Dieu. La vision de Dieu ne peut se recevoir que dans la prière accomplie, parfaite ou prière pure. Toute la vie ascétique tend à la possibilité d’une telle prière. Dans cette prière, il y a élimination de toute pensée, vacuité de toute représentation, mais cette vacuité de disponibilité intérieure n’est possible que si elle a été précédée par le travail de purification du cœur.



Conclusion


La prière finalement est un programme de vie.


“Priez sans cesse” ou “Priez sans relâche” c’est accepter d’entrer dans toute une perspective qui a pour but le partage de la charité de Dieu.


Ici se rejoigne le travail de la vie active et la vie contemplative. Différentes manières de prière jalonnent cet itinéraire, mais au bout du compte il n’y a que l’union à Dieu dans le silence et la lumière, séparé de tout mais uni à tout, c’est une nuit bienheureuse.


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La Fondation Benedictus a pour mission d’apporter son concours moral et financier en vue de soutenir les activités de développement social, culturel, économique et environnemental au service de la promotion et de la dignité des populations défavorisées, en lien avec des fondations monastiques à travers le monde, vivant sous la règle de saint Benoît, en dehors de l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord.


Cette Fondation abritée vient en complément du travail de l’Alliance Inter-Monastères qui reçoit directement des aides financières de la part des monastères, d’organismes divers et de particuliers afin de soutenir tous les projets qui n’entrent pas dans le cadre de la Fondation Benedictus : formation, construction et rénovation de bâtiments spécifiquement religieux, activités lucratives des monastères.


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